"Mr Nobody" : le film du mois

Un film complexe, fort intéressant : « Mr Nobody » de Jaco Van Dormael.
3ème film de ce réalisateur après « Toto le héros » en 1992 et « Le huitième jour » en 1996 qui ont chacun reçu leur part de récompenses.
Jaco a écrit durant 7 ans pour ce nouveau film + la recherche de financement + le tournage + le montage d’1 an = le temps qui est passé…
C’est d’ailleurs un thème du film : le Temps.

Nemo Nobody est un petit garçon, un adulte, des adultes, un vieillard, une réalité, une invention : il est tout le monde et personne.
En 2092, il est le dernier humain qui va mourir de vieillesse : évènement humain oublié de par le clonage. Un « jeune » journaliste vient l’interviewer mais l’histoire est incompréhensible ; c’est comme s’il avait vécu plusieurs vies.

Une histoire très intelligente, complexe à suivre car absolument pas linéaire sur une thématique simple : les parallélismes d’existence. Notre héros au lieu de faire des choix (à droite ou à gauche), a cumulé les possibilités d’où la création d’une arborescence des possibles. Sur le papier, on peut y aller à fond (et on sent que Jaco a eu le temps d’expérimenter) ; à l’écran, la mise en scène et le montage doivent permettre la compréhension.
Plusieurs visionnages permettraient de s’orienter plus facilement à mon sens.
Une histoire riche, avec des éléments scientifiques assez poussés ; un regard sur l’existence humaine dans toute sa complexité reposant sur des principes de vie simples : famille, couple, amour, mort. Une vie de cinéma quoi !!!

La mise en scène et le montage ont été obligés de travailler la narration pour lier des éléments disparates entre les différentes temporalités, les vies parallèles. Pas simple mais le travail et une vision ont permis d’avoir un film qui se tient et qu’on peut même appeler virtuose par endroit.
Vie de maintenant mais aussi dans le futur (image mi-cyberpunk, mi- SF minimaliste et froide, post-2001) ; vie sur Terre mais aussi dans l’Espace, sur un vaisseau spatial (partie qui pourrait sembler fictive : un écrit d’une des incarnations de Némo) : tout cela offre un panel de visuels fort différents, assez crédibles dans l’ensemble.
De bons effets spéciaux pour accentuer la bizarrerie de cette existence mais également pour nous apporter un peu de poésie si rare.
Le film existe surtout par son montage d’une complexité folle avec d’incroyables transitions (fait souvent simplement sur plateau) permettant de lier tous ces possibles, nous apportant parfois des éclaircissements sur une situation ou en nous les embrouillant pour mieux nous faire ressentir soit la psyché du héros soit la confusion du journaliste (un peu nous donc).

Dans cet univers, il nous faut évidemment une passerelle pour mieux s’identifier et les acteurs ont ce but : Nemo est joué par le caméléon Jared Leto (« Requiem for a dream », « Fight Club ») qui doit bien nous faire ici 7 ou 8 personnages, sans compter que son personnage a aussi des incarnations plus jeunes. Ses grands yeux bleus illuminent l’écran évidemment ajoutant une sorte de naïveté à son personnage qui ne comprend pas bien ce qui se passe.
Plusieurs vies = plusieurs femmes : Diane Kruger (plus intéressante ici que dans le dernier Tarentino) ; Sarah Polley (sortie de son premier long métrage « Loin d’Elle ») en épouse dépressive et hystérique ; Linh-Dan Pham (reconnue dans « De battre mon cœur s’est arrêté ») dans celle de l’épouse jamais désirée car de substitution.
Avec quelques apparitions d’acteurs vus dans d’autres films de Jaco (Pascal Duquenne par exemple).
Ils nous apportent l’émotion indispensable que cette construction alambiquée pourrait amoindrir.

Un film à voir et très certainement à revoir tant pour le fond que la forme.

Bon film !!!