"Phénomènes"

Le retour du wonder boy number 2 : le first is Spielberg ; le second is M Night Shyamalan, avec son nouveau film mystérieux, « Phénomènes ».

Le réalisateur d’origine hindou est connu pour son premier succès en 1999 : « Sixième sens » avec Bruce Willis avec son « twist » final (le retournement de l’histoire qui nous impose de revoir le film d’une autre façon).
Ce grand succès installe sa façon de faire : une histoire qui se focalise toujours sur une famille avec en parallèle de grands évènements souvent étranges ; des acteurs un peu sous-estimés qui sont employés à contre-emploi ; le twist final et surtout une maîtrise de la grammaire cinématographique qui fait de lui le meilleur metteur en scène actuellement.
Il le sait, le dit à qui le veut : bref, sa prétention est à la hauteur de son talent, ce qui peut-être dangereux. Il s’est fait des ennemis farouches de certains journalistes et ses films ne sont plus des succès publics depuis longtemps.
Son dernier film en 2006 « La jeune fille de l’eau » montrait des faiblesses : une histoire sans surprise (c’était même là la surprise) et un peu cucul la praline mais il y avait encore une maîtrise hallucinante de l’image. Il est le seul actuellement avec les asiatiques à pouvoir me causer des frissons de peur au cinéma tant sa science de la suggestion est forte.

Un matin à New York, des gens se suicident de façon violente. On pense à une attaque terroriste. Ce phénomène s’étend comme une épidémie. Les gens alors fuient.
Parmi eux, un couple (un professeur de mathématique cartésien au possible ; sa femme est… on sait pas quoi, mais elle a un secret… dans son portable.) qui va aller au bout de lui-même pour survivre.


Je vous avoue tout de go, il est un peu décevant selon les préceptes que je vous ai énoncés tout à l’heure.
On va faire les qualités car y’en a. Le côté mystérieux du phénomène va vite être dévoilé pour ainsi parler du vrai sujet ; y’a pas de terroristes. C’est plutôt un phénomène naturel ; une attaque de la Nature envers l’Homme.
Ce qui fait de ce film le premier film anti-écologique ; et c’est plutôt courageux de le « crier » ainsi dans notre société cynique qui énonce tout le mal que l’homme a pu faire sur son écosystème alors que cette société existe justement grâce à ce qu’elle a fait sur cet écosystème. Le film dit clairement que la Nature a besoin de personne pour se défendre et qu’elle nous est supérieure et qu’elle peut nous éliminer comme elle veut. Cette façon de voir (singulière qui est toujours la marque de fabrique de l’auteur) est assez appréciable à mon sens.
La mise en scène des suicides est autant violente que d’une grande froideur : ce sont des grands moments de flippe.
Les acteurs font vrais comme dans tous ses films ; en tête dans celui-ci, Mark Walberg (ex- New kids on the block, ça doit lui faire mal quand on lui rappelle ça) qui se bonifie avec le temps, il était un des meilleurs personnages des « Infiltrés », le dernier Scorsese et il nous avait fait une belle prestation dans le dernier James Gray « La nuit vous appartient » ; on retrouve dans le rôle féminin une actrice peu connue, Zooey Deschanel que je n’ai pas remarqué dans « L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » d’Andrew Dominik » avec de grands yeux bien interrogatifs et une petite fille latina tout à fait mignonne.

Bon, y’a des gros défauts. D’une certaine façon, le film n’a pas de conclusion, n’explique rien, pouvant faire croire que nous ne sommes pas aptes à comprendre (mais on peut penser aussi que Shyamalan ne savait pas comment le finir) car il n’y a pas d’enjeux à la fin, pas de climax comme on dit dans le langage scénaristique. Bref, on est un peu frustré.
La personnalisation des personnage est raté : le prof cartésien était le mieux à même pour comprendre les choses. Son crédo est « Observer, Analyser, Expérimenter, Conclure ». Il fait comme les autres, il panique comme tout bon humain qui se respecte quand l’irrationnel montre son nez. Certes, c’est réaliste mais cela enlève beaucoup au scénario.
De même, Shyamalan aime construire des histoire autour de familles à problèmes, en crise : c’est le cas ici mais c’est un survol par rapport à d’habitude ; les personnages n’existent pas vraiment au final (il ne nous avait pas habitué à ça).
Et de plus, sa maîtrise de la mise en scène s’est relâchée, elle est plan-plan. Il n’est pas un adepte de la bouffonnerie visuelle et on ne lui en demande pas ; sa force est dans une vision exclusive qui fait de lui l’égale des plus grands maîtres du cinéma asiatique et là, c’est terne, simpliste.

Cela commence fort ; se suit bien ; se finit un peu en sucette. J’aime le sujet mais son traitement le condamne à ne voir que les conséquences humaines et comme tout humain que nous sommes ; nous connaissons et devrions accepter notre petitesse, donc le sujet est évidemment par ce fait amoindri. Miyazaki, grand réalisateur de manga, a su mieux parler du conflit Homme-Nature dans ses œuvres comme " Nausicaa", « Princesse Mononoke », « Le voyage de Chihiro » voire « Totoro ».
Une glissade pour le père Shyamalan, une de plus pour certains critiques. Ça se regarde plutôt bien dommage pour la fin….

Bon film !!!